Littérature et gastronomie...

Littérature et gastronomie ont, de tout temps, fait bon ménage : saveurs des mots et des mets se marient et nombreux sont les textes où les plaisirs de la bouche sont les protagonistes.

17 DÉC. 2014 · Lecture : min.
Littérature et gastronomie...

La littérature et la gastronomie se croisent, se mélangent et se savourent l'une l'autre depuis toujours, ou presque. Dès le Moyen Âge, cuisine et gastronomie deviennent des personnages à part entière de nombreux romans, poèmes, pièces de théâtre, etc. Le goûts des mets et des mots à la bouche, relisons quelques extraits savoureux de ces deux piliers de notre patrimoine...

Le grand dictionnaire de cuisine, Alexandre Dumas

"Appétit. - Il y a trois sortes d'appétit: le premier, celui que l'on éprouve à jeun, sensation impérieuse qui ne chicane pas avec les mets et qui nous fait venir l'eau à la bouche à l'aspect d'un bon ragoût; le second, celui que l'on ressent lorsque s'étant mis à table sans faim on a déjà goûté d'un plat succulent, et qui consacre le proverbe : l'appétit vient en mangeant; le troisième appétit est celui qu'excite un mets délicieux qui paraît à la fin d'un repas, lorsque, l'estomac satisfait, les convives sans regret allaient quitter la table. Le peuple de Paris, les fruitiers et les maraîchers de la banlieue donnent aussi le nom d'appétit à la tige verte de la ciboule et de l'oignon nain, qui font toujours le principal assaisonnement des ragoûts et des salades populaires."

Une Gourmandise, Muriel Barbery

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"Plus personne n'avait faim, mais c'est cela justement qui est bon à l'heure des pâtisseries : elles ne sont appréciables dans toute leur subtilité que lorsque nous ne les mangeons pas pour apaiser la faim et que cette orgie de douceur sucrée ne comble pas un besoin primaire mais nappe notre palais de la bienveillance du monde."

"Le croirez-vous (il me sourit presque affectueusement), j'avais aussi une grand-mère, dont la cuisine était pour moi un antre magique. Je crois que toute ma carrière prend sa source dans les fumets et les odeurs qui s'en échappaient et qui, enfant, me rendaient fou de désir. Fou de désir, littéralement. On n'a que peu idée de ce que c'est que le désir, le véritable désir, lorsqu'il vous hypnotise, s'empare de votre âme toute entière, la circonvient de toutes parts, de telle sorte que vous êtes dément, un possédé, prêt à tout pour une miette, pour un nuage de ce qui se concocte là, sous vos narines subjuguées par le parfum du diable !"

"On a beaucoup écrit sur la première bouchée, la deuxième et la troisième. On a dit beaucoup de choses justes à ce sujet. Toutes sont vraies. Mais elles n'atteignent pas, et de très loin, l'ineffable de cette sensation-là, de l'effleurement puis du broyage de la pâte humide dans la bouche devenue orgasmique. Le sucre imbibé d'eau ne croquait pas : il cristallisait sous la dent, ses particules se dissociaient sans heurt, harmonieusement, les mâchoires ne le cassaient pas, elles l'éparpillaient en douceur, dans un indicible ballet fondant et croustillant. La chouquette adhérait aux muqueuses les plus intimes de mon palais, sa mollesse sensuelle épousait mes joues, son élasticité indécente la compactait immédiatement en une pâte homogène et onctueuse que la douceur du sucre rehaussait d'une pointe de perfection."

Le Ventre de Paris, Émile Zola

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"Autour d'elles, les fromages puaient. […] Là, à côté des pains de beurre à la livre, dans des feuilles de poirée, s'élargissait un cantal géant, comme fendu à coups de hache ; puis venait un chester, couleur d'or, un gruyère, pareil à une roue tombée de quelque char barbare, des hollande, ronds come des têtes coupées, barbouillées de sang séché, avec cette dureté de crane vide qui le fait nommer têtes-de-mort. Un parmesan, au milieu de cette lourdeur de pâte cuite, ajoutait sa pointe d'odeur aromatique. Trois brie, sur des planches rondes, avaient des mélancolies de lunes éteintes ; deux, très secs, étaient dans leur plein ; le troisième, dans son deuxième quartier, coulait, se vidait d'une crème blanche, étalée en lac, ravageant les minces planchettes, à l'aide desquelles on avait vainement essayé de le contenir. Des port-salut, semblables à des disques antiques, montraient en exergue le nom imprimé des fabricants. Un romantour, vêtu de son papier d'argent, donnait le rêve d'une barre de nougat, d'un fromage sucré, égaré parmi les fermentations âcres. Les roquefort, eux aussi, sous des cloches de cristal, prenaient des mines princières, des faces marbrées et grasses, veinées de bleu et de jaune, comme attaqués d'une maladie honteuse des gens riches qui ont trop mangés de truffes ; tandis que, dans un plat, à côté, des fromages de chèvre, gros comme un poing d'enfant, durs et grisâtres, rappelaient les cailloux que les bouc, menant leur troupeau, font rouler aux coudes des sentiers pierreux. Alors, commençaient les puanteurs : les mont-d'or, jaune clair, puant une odeur douceâtre ; les troyes, très épais, meurtris sur les bords, d'âpreté déjà plus forte, ajoutant une fétidité à la cave humide ; les camembert, d'un fumet de gibier trop faisandé ; les neufchâtel, les limbourg, les marolles, les pont-l'évêque, carrés, mettant chacun leur note aigüe et particulière dans cette phrase rude jusqu'à la nausée ; les livarot, teintés de rouge, terribles à la gorge comme une vapeur de soufre ; puis enfin, par-dessus tous les autres, les olivet, enveloppés de feuilles de noyer, ainsi que ces charognes que les paysans couvrent de branches, au bord d'un champ, fumantes au soleil. La chaude après-midi avait amolli les fromages ; les moisissures des croûtes fondaient, de vernissaient avec des tons riches de cuivre rouge et de vert-de-gris, semblables à des blessures mal fermées ; sous les feuilles de chêne, un souffle soulevait la peau des olivet, qui battait comme une poitrine, d'une haleine lente et grosse d'homme endormi ; un flot de vie avait troué un livarot, accouchant par cette entaille d'un peuple de vers. Et, derrière les balances, dans sa boîte mince, un géromé anisé répandait une infection telle, que des mouches étaient tombées autour de la boîte, sur le marbre rouge veiné de gris."

Gargantua, Rabelais

Chapitre XXI, L'étude de Gargantua selon la discipline de ses préceptieurs sorbanages

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"[...] Pour vaincre la rosée et mauvais air, il déjeunait ensuite de belles tripes frites, de succulentes tranches de bœuf grillées sur des charbons, de délicieux jambons, de savoureuses grillades de chevreaux et de force soupes de primeurs. Ponocrates lui remontait qu'il ne devrait pas, sans avoir fait quelque exercice, prendre nourriture aussitôt le saut du lit. Gargantua répondait : « Quoi ! n'ai-je point pris un exercice suffisant ? Je me suis vautré six ou sept fois sur le lit avant de me lever. N'est-ce point assez ? Sur le conseil de son médecin juif, le pape Alexandre faisait de même, et jusqu'à la mort il vécut en dépit des envieux. Mes premiers maîtres m'y ont accoutumé, me disant que le déjeuner rendait la mémoire bonne ; aussi buvaient ils les premiers. Je m'en trouve fort bien et n'en dîne que mieux. Et Maître Tubal, qui fut le premier de sa licence à Paris, ne me disait il pas qu'il est préférable de partir de bonne heure que de courir ensuite ? Aussi l'humanité doit elle son salut à boire matin, et non à tas, à tas, comme des canes : Lever matin n'est point bonheur.Boire matin est le meilleur. [...] Il étudiait ensuite pendant une méchante demi-heure, les yeux fixés sur son livre ; mais ainsi que le dit le Comique, ses pensées étaient à la cuisine. Après avoir pissé un plein urinal, il se mettait à table. Etant naturellement flegmatique, il commençait son repas par quelques dizaines de jambons, de langues de bœuf fumées, de cervelas, d'andouilles et tels autres avant-coureurs de vin. Pendant ce temps, quatre de ses gens lui jetaient dans la bouche, l'un après l'autre et sans cesse de la moutarde à pleines palerées ; après quoi, il buvait un honorifique trait de vin blanc pour lui soulager les rognons. Selon la saison, il continuait d'ingurgiter des viandes, à son appétit, et cessait de manger lorsqu'il éprouvait des tiraillements au ventre. Pour ce qui est de boire, il n'avait ni fin ni règle ; il disait que l'on devait seulement s'arrêter lorsque le siège de vos pantoufles enflait en haut d'un demi-pied."

Aventures d'un gourmand vagabond, Jim Harrison

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"Ah! l'ail! Il m'a littéralement maintenu en vie, alors que la psychanalyse et la prière ont souvent échoué."

"Nous divaguons dès que nous nous écartons trop de la vie de l'esprit et de la patate."

Charlie et la chocolaterie, Roal Dahl

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Quentin Blake

"[...] Voyez ! S'écria Mr Wonka en sautillant. De sa canne à pommeau d'or, il désigna la grande rivière brune. "Tout cela c'est du chocolat fondu, et du meilleur. C'est du chocolat ! Chaque goutte de cette rivière est du chocolat fondu, et du meilleur. Du chocolat de première qualité. Du chocolat, rien que du chocolat de quoi remplir toutes les baignoires du pays ! Et aussi toutes les piscines ! N'est ce pas magnifique ? Et regardez mes tuyaux ! Ils pompent le chocolat et le conduisent dans toutes les autres salles de l'usine ! Des milliers et des milliers de litres !"(...) La cascade est extrêmement impressionnante ! poursuivit Mr Wonka. C'est elle qui mélange le chocolat ! Elle le bat ! Elle le fouette ! Elle le dose ! Elle le rend léger et mousseux ! Aucune autre chocolaterie du monde ne mélange son chocolat à la cascade ! Pourtant, c'est la seule façon de le faire convenablement ! La seule ! Et mes arbres, qu'en pensez vous ? cria-t-il en brandillant sa canne. Et mes jolis arbustes ? Ne sont ils pas beaux ?"

Le viandier de Polpette - L'ail des ours, Olivier Milhaud et Julien Neel

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© Gallimard

"Comme évoqué précédemment, Fausto aime les oeufs. En général, c'est Polpette qui les lui prépare. Sa recette préférée étant les oeufs aux foies de volailles. Dans un peu de beurre, faire à peine revenir deux petits foies de volailles afin qu'ils soient très rosés. Les réserver et mettre dans la poêle une tranche de pain. Lorsqu'elle est grillée d'un côté, la retourner et casser un oeuf dessus. Avant que le blanc ne coagule trop, ajouter les deux petits foies. Couvrir et laisser cuire jusqu'à ce qu'un léger voile se développe à la surface du jaune. Retirer du feu et soupoudrer de persil haché et d'une pointe de paprika.

Bien évidemment, Fausto apprécie bon nombre de recettes, tels les oeufs aux févettes et chorizo ou encore les oeufs au boudin noir. Quoiqu'il en soit, il les mange toujours "au plat". Du moins au petit déjeuner.

Mais qu'en est-il des oeufs de l'assasin ?

Faire fondre une noix de beurre dans la poêle. Casser deux oeufs. Lorsque les blancs ont pris, et avant qu'ils ne commencent à crépiter, avec un léger, mais sec et précis mouvement de poignet, les retourner. Attention, les jaunes ne doivent pas éclater. Arroser généreusement de vinaigre de vieux vin et servir aussitôt. Une variante délicieuse existe. Utiliser du jus de grenade à la place du vinaigre. Bien évidemment, cette variante ne peut se faire qu'en saison."

Photos : Édition Physiologie du goût par Brillat Savarin 1848, Éditions de la Loupe, Charles Marville, Gustave Doré, Quentin Blake, Gallimard

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